top of page
Sarah Jérôme
Renaissance évanescente

 

Les formes disparaissent-elles ou émergent-elles de la matière ?

La question se pose au visiteur qui découvre les œuvres de Sarah Jérôme. Son travail évoque tout à la fois l’organique, le minéral et le végétal, mêlés dans un équilibre incertain, sans qu’il soit possible de déterminer lequel prendra l’avantage sur l’autre. Cette émergence des formes ou des motifs place le regardeur dans une position analogue à celle de l’archéologue qui découvre une pièce/objet/artefact dont il ne peut immédiatement identifier de manière précise ni sa nature exacte ni son état de conservation.

 

Lorsque Sarah Jérôme réalise ses peintures à l’huile sur calque, elle concilie deux éléments a priori destinés à se repousser : la technique et le support. Pourtant, le mariage s’opère par une sédimentation à laquelle l’artiste participe de diverses manières. En effet, elle use de ses doigts en plus d’outils variés pour travailler la matière picturale, d’essence pour accélérer la formation de sédiment – i.e. le séchage – et diluer la peinture qui subit les altérations les plus variées.

 

De même les têtes germées pourraient tout autant être rongées par la végétation qu’émerger d’elle. Quant aux corbeaux d’un grès noir très chamotté, personne ne peut affirmer avec certitude, qu’ils ne sont pas en train de se liquéfier. Ou qu’au contraire leur forme est définitivement celle de fantômes magmatiques.

 

Une autre série de Sarah Jérôme est constituée de femmes montagnes. Céramiques ou peintures, ces œuvres évoquent autant l’aspect sacré de la montagne dans certaines civilisations, que la dissimulation de la femme sous un voile que leur imposent certaines cultures.

 

Enfin, il nous faut évoquer « Mue », amas d’écheveaux de lin tressés formant un couple debout. Si le nom de cette sculpture impressionnante renvoie à un état transitoire vers une renaissance, son aspect évoque pour beaucoup un stade de décomposition avancée. On hésite à affirmer que de cet amas d’apparence organique où s’enchevêtrent des fibres végétales – à l’instar des myriades de corps sur les dessins de l’artiste – émerge quelque chose de neuf. Pourtant, là comme ailleurs cohabitent deux idées : évanescence et renaissance.

 

Au final, de l’œuvre de Sarah Jérôme transparait son obsession pour le temps, à travers l’altération ou la recomposition des corps, à la manière de l’exercice d’une danseuse qui contraint son propre corps pour le façonner. Cette discipline fut d’ailleurs pratiquée par l’artiste. Il ne serait donc pas exagéré d’établir un lien avec sa pratique actuelle, dans laquelle se manifeste la cohabitation éphémère de l’organique, du minéral, du végétal.

 

César Champetier de Ribes

mai 2015

 

 

Sarah Jérôme

 

http://www.sarahjerome.com/

 

exposition "sous la chaire des roches" à la Galerie Da-End du 15 mai au 20 juin 2015

http://www.da-end.com/sarahjerome-souslachairdesroches/

bottom of page